mardi 8 décembre 2009

Cup of excellence 2009 - Bolivie


Des exemples de réussite lorsqu'on s'intéresse vraiment au terroir d'une région, voir à une ferme en particulier et à sa dernière récolte?

Le premier prix du dernier Cup of Excellence tenu en Bolivie, en novembre dernier, est allé à Café AgroTakesi.

Il s'agit d'une section d'environ 13 hectares de variété Typica, le long de la rivière Takesi, dans la région de Yungas de la Paz. L'altitude y varie entre 1900m et 2400m, les précipitations annuelles entre 1800mm à 2500mm et la température moyenne est de 15 degrés. Des conditions relativement rigoureuses propices à développer des grains de haute densité, aux caractéristiques fruitées, agréablement acidulés.

Le lot mis en vente aux enchères: 24 boîtes de 34.5kg.

Les participants les plus offrants: Maruyama Coffee (Japon), Orsir Coffee (Taiwan), Itoya Coffee (Japon).

Le montant offert pour le lot: 63 749.29$ USD.

Ça fait 77$/kg.

Le prix une fois livré, torréfié, moulu, préparé et servi: je vous laisse imaginer.

Le goût décrit par les juges: arômes de jasmin, violette, miel, ananas, melon, orange, thé noir, cerise, rose, amande, pêche, vin rouge, fruit de la passion. Acidité franche, citrique, intense, florale, transparente et multidimensionnelle. Saveur très balancée de chocolat mi-amer et vanille, suivie d'une finale longe et persistante.

On est loin du "doux et velouté"...
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Et visitez le site web que la ferme AgroTakesi s'est payé avec sa cagnotte. Conçu par une firme de design locale. (On est en Bolivie. Là où 30% des gens vivent avec moins de 2$ par jour.)

lundi 7 décembre 2009

Grands torréfacteurs et rapport de force


Dans la situation actuelle, il est clair que les producteurs sont les grands perdants. Malgré une baisse du cours mondial, les prix des cafés vendus aux consommateurs établissent des records jamais vus. En dehors du contexte de surproduction par rapport à la demande, cette situation existe également parce que les cultivateurs et les exportateurs des pays en développement vendent du café en se basant uniquement sur des attributs matériels (taille, couleur, humidité, défauts, etc.). Les opérateurs des pays consommateurs achètent de grandes quantités et créent de la valeur en y ajoutant des attributs symboliques et des services (confort et ambiance d'un établissement, réputation d'une marque, certification d'un engagement social ou économique, etc.). Une emphase particulière est mise sur ces attributs lors de la commercialisation et l'on sait que les détaillants influencent énormément la façon dont les consommateurs perçoivent la qualité. Présentement, cette perception est orientée de façon à préserver une certaine homogénéisation des produits offerts, en vue de minimiser les coûts d'approvisionnement et de transformation.

Dans l'optique des torréfacteurs, la qualité n'est donc pas reliée à une origine spécifique ou à un terroir donné, tel qu'il est généralement admis dans le monde du vin, par exemple. Une grande majorité de torréfacteurs n'emploie pas de dégustateurs ou ne justifie aucune expérience en matière de dégustation. Par conséquent, la clientèle est généralement ignorante en matière de qualité gustative du café. Les torréfacteurs n'ont aucun intérêt à promouvoir la culture des origines parce qu'ils veulent défendre leurs marques. De façon réaliste, cette logique est normalement caractéristique de toute industrie aux incitatifs capitalistes qui vise à assurer une rentabilité financière et répondre aux intérêts de croissance des actionnaires propriétaires. Malheureusement, dans ce contexte, toute tentative des pays producteurs visant à augmenter la qualité de leur café par un système d'appellation contrôlée relative à l'origine géographique semble avoir peu de chance de réussite.

La solution passe par un changement de perception de la part des consommateurs. Une augmentation de la demande dans le secteur des cafés d'origine favoriserait un certain transfert de pouvoir aux producteurs, pourvu que ces derniers aient accès aux normes et aux institutions requises en vue d'offrir une réponse crédible à cette demande. Quels sont alors les moyens de favoriser cette demande? Et comment amener les producteurs à y répondre de façon adéquate?

Une nouvelle approche s'impose.

Il est temps de placer l'emphase sur toutes les richesses disponibles à travers les terroirs africains, centre-américains et asiatiques.

Il est temps de commencer à boire du bon café!

jeudi 3 décembre 2009

Qualité

Degré d’excellence d’une chose, trait caractéristique.

La qualité est un concept universel très commun que les médias utilisent abondamment pour glorifier les produits commercialisés d’un statut particulier. En réalité, cet attribut galvaudé est un terme très général dont la signification variable se prête à de multiples indicateurs. Par conséquent, en vue de juger de la qualité ou tenter de la quantifier il est d’abord nécessaire de fixer un rapport avec les intérêts de chaque bénéficiaire.

Consommateurs

Quand on parle de la qualité d’un café avec un consommateur, les principaux éléments évoqués sont le goût, la marque, le prix, la diversité, parfois la fraîcheur et certains critères sociaux (équité) ou environnementaux (bio). Très peu d'importance est accordée à l'origine, outre parfois le pays de provenance. Le rendement du plant, la quantité disponible ainsi que les caractéristiques physiques du lot telles l'humidité ou la grosseur du grain ne sont pas non plus pris en compte. Bien sur, cette vision de la qualité est grandement influencée par le marketing et la publicité mais aussi par la culture et l’origine du consommateur.

Cultivateurs

Aux vues d'un cultivateur, cette optique diffère sensiblement. Contrairement au producteur vinicole, le caféiculteur est rarement consommateur de son propre produit. Les critères de goût, de fraîcheur et de diversité deviennent moins importants, remplacés par le rendement, la résistance aux maladies et aux insectes ainsi que la valeur marchande auprès des exportateurs. Cette divergence est accentuée par deux autres facteurs: le cultivateur et le consommateur sont situés aux extrémités de la chaîne de production, séparés par les courtiers d'import-export et les torréfacteurs, et tous deux évoluent dans des contextes socio-économiques très différents. Alors que le consommateur réside généralement dans les pays développés, les cultivateurs eux sont localisés dans des régions beaucoup plus pauvres, restreints pour des raisons climatiques entre les deux tropiques.

Importateurs, exportateurs et torréfacteurs

De cette disparité découle inévitablement une grande marge de manoeuvre pour les intermédiaires d'import-export et les torréfacteurs de masse. Ceux-ci possèdent un levier de profitabilité induit par un coût d'approvisionnement très bas, pour autant qu'ils aient un grand volume à traiter et un produit relativement homogène. Ces intermédiaires qui assurent le transport et la transformation peuvent utiliser des cafés d'origine mais travaillent principalement avec des mélanges afin d'assurer une stabilité du goût et de l'approvisionnement. Ceci leur permet de substituer un lot à un autre advenant une fluctuation du prix ou des problèmes d'importation reliés à une région précise. Un café de qualité consiste, pour eux, en un café facile à torréfier de façon standardisée, dont les propriétés physiques favorisent une longue conservation et qui se prête bien à divers mélanges.

Café d’origine?

Dans cette situation, on comprend que l'origine constitue un facteur secondaire, voir même contre-productif. Ce n'est que lorsqu'un bassin d'approvisionnement devient suffisamment abondant que l'on voit apparaître quelques indices grossiers sur la provenance, comme Tarrazu du Costa Rica ou Sidamo d'Éthiopie. Et cela même si ces régions regroupent elles-mêmes une vaste diversité de terroirs.

Voici donc une des principales raisons de la quasi absence des appellations contrôlées (ou indicateurs d'origine) dans l'univers actuel du café. Cette approche favoriserait certainement une meilleure qualité du point de vue du consommateur mais irait à l'encontre de la plupart des modèles d'affaires utilisés par les intermédiaires présents sur le marché mondial. Mais comment aborder cette révolution? La clé se trouve peut-être au niveau des cultivateurs. Les questions qui se posent alors sont les suivantes: leur propre vision de la qualité se prête-t-elle à l'introduction d'appellations? Quels seraient les impacts sur leur productivité? Et quels seraient les effets sur le reste de la chaîne d'approvisionnement?

La suite, dans le prochain article!